Lever de l’argent, c’est dur mais j’y ai réappris l’entreprenariat

La semaine dernière, nous avons clôturé notre première levée de fonds et 𝐣𝐞 𝐬𝐮𝐢𝐬 𝐫𝐞𝐬𝐬𝐨𝐫𝐭𝐢 𝐝𝐮 𝐩𝐫𝐨𝐜𝐞𝐬𝐬 𝐟𝐫𝐮𝐬𝐭𝐫é. Mais, j’y ai tiré des leçons de vie dont voici quelques unes :
0) Beaucoup de startups bullshit et la plupart des investisseurs aiment ça. Nous aurions pu mettre beaucoup de moyens en acquisition pour créer une traction temporaire très forte et rassurer plus facilement (c’est ce que font beaucoup de startups). Mais nous avons décidé d’être totalement transparent avec nos chiffres, notre vision et les difficultés. Cela permet à la fin de ne garder que des investisseurs de qualité (selon nos critères bien sûr).
1) Avoir 𝐮𝐧 𝐛𝐨𝐧 𝐫é𝐬𝐞𝐚𝐮. Une levée est globalement 𝐮𝐧𝐞 𝐡𝐢𝐬𝐭𝐨𝐢𝐫𝐞 𝐝𝐞 𝐜𝐨𝐩𝐢𝐧𝐚𝐠𝐞, ou en 𝐩𝐨𝐥𝐢𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐜𝐨𝐫𝐫𝐞𝐜𝐭, 𝐝e 𝐫é𝐬𝐞𝐚𝐮. Y a 0 méritocratie là-dedans. Plus on a du réseau, plus certaines portes s’ouvrent. Mais cela ne garantit pas le succès de la levée car il y a d’autres cases à cocher.
2) Une levée de fonds, c’est difficile par défaut pour tout entrepreneur, lorsqu’on est Noir(e) c’est pire. Il y a des plafonds de verre à chaque étape, des cibles mouvantes, toujours une condition sortie de nulle part qu’il faut cocher. Si on est croyant, c’est le bon moment pour tester la solidité de sa foi 🤣.
3) 𝐆𝐨 𝐁𝐢𝐠 𝐨𝐫 𝐆𝐨 𝐇𝐨𝐦𝐞. Demander un petit montant peut parfois porter préjudice. Nous recherchions initialement entre 250k à 500k. Certains fonds avec qui nous discutions ont préféré aller mettre des millions ailleurs car le montant demandé par nous était très petit pour eux. Et comme le dit Eyram Tawia, si c’est pour souffrir, autant souffrir pour un gros montant.
4) Toujours vérifier 𝐥𝐞𝐬 𝐭𝐡è𝐬𝐞𝐬 𝐝’𝐢𝐧𝐯𝐞𝐬𝐭𝐢𝐬𝐬𝐞𝐦𝐞𝐧t. Il y a beaucoup de fonds, de BAs, etc…mais cela ne sert à rien de contacter des gens qui ne financent pas dans votre secteur. Il ne faut pas perdre son temps à les contacter et ne pas leur faire perdre leur temps également.
5) S’attendre à 99% 𝐫é𝐩𝐨𝐧𝐬𝐞𝐬 𝐧é𝐠𝐚𝐭𝐢𝐯es. Parce que ça fait mal et peut amener l’entrepreneur à douter de lui. Il faut donc se préparer psychologiquement et commencer tôt.
6) 𝐐𝐮𝐚𝐧𝐝 𝐥𝐞 𝐝𝐞𝐚𝐥 𝐝𝐮𝐫𝐞 𝐭𝐫𝐨𝐩 𝐥𝐨𝐧𝐠𝐭𝐞𝐦𝐩𝐬, mettre 𝐮𝐧 𝐮𝐥𝐭𝐢𝐦𝐚𝐭𝐮𝐦 𝐩𝐮𝐢𝐬 𝐚𝐫𝐫ê𝐭𝐞r 𝐥𝐞𝐬 𝐝𝐢𝐬𝐜𝐮𝐬𝐬𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐚𝐯𝐚𝐧𝐭 𝐪𝐮’𝐢𝐥 𝐧𝐞 𝐬𝐨𝐢𝐭 𝐭𝐚𝐫𝐝. Beaucoup de sociétés ont coulé car en discussion avec des investisseurs qui ont voulu trop retarder à tord ou à raison. Savoir dire stop avant qu’il ne soit tard est une qualité qu’on attend d’un(e) chef(fe) d’entreprise.
7) 𝐍𝐞 𝐣𝐚𝐦𝐚𝐢𝐬 mettre ses 𝐞𝐬𝐩𝐨𝐢𝐫𝐬 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐮𝐧 𝐬𝐞𝐮𝐥 𝐟𝐨𝐧𝐝𝐬, 𝐠𝐫𝐨𝐮𝐩𝐞 𝐝𝐞 𝐁𝐮𝐬𝐢𝐧𝐞𝐬𝐬 𝐀𝐧𝐠𝐞𝐥𝐬, 𝐨𝐮 𝐚𝐮𝐭𝐫𝐞𝐬. Il faut partir du principe que ça va mal se passer, peu importe le niveau d’avancement des discussions. Prévoir à chaque étape des solutions alternatives. Il vaut mieux avoir le choix entre plusieurs acteurs à la fin que de se retrouver avec un seul qui vous lâche.
8) 𝐀𝐥𝐥𝐞r 𝐯𝐞𝐫𝐬 𝐥𝐞𝐬 𝐚𝐜𝐭𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐝𝐞 son industrie. Cela nous a pris des mois pour essayer de démystifier l’Afrique, L’OHADA, les risques liés au business en Afrique, les flux financiers, etc… aux acteurs non issus de notre industrie, malgré leur fort intérêt pour un résulat pas très positif. L’Afrique souffre d’une image d’un continent instable et à risque.
𝐋𝐞 𝐝𝐞𝐚𝐥 𝐬’𝐞𝐬𝐭 𝐟𝐚𝐢𝐭 𝐚𝐯𝐞𝐜 principalement des acteurs issus du gaming, de l’entreprenariat ou proche de l’Afrique. Nous avons la chance d’avoir en investisseurs piliers de l’industrie du Gaming en France et en Afrique, des rockstars dans l’industrie (Cédric Lagarrigue, BORGET Sebastien, Julien Herbin et d’autres gens biens ^^) et des gens qui comprennent l’Afrique et les enjeux…et surtout le fait qu’il faut être patient avant les premiers résultats sur un marché émergent.
9) Il y a early stage aux US et early stage en France. Si vous entreprenez vers l’Afrique (ou pas), même en early stage, on vous demandera des stats digne d’une société cotée en bourse.
Nous avons en France la peur du risque de façon générale. Il vaut mieux ouvrir une boulangerie qu’une startup. On assiste a un problème de mindset des investisseurs Français qui veulent copier les Américains sans prendre les risques associés.
Il faut donc réussir à s’entourer d’investisseurs qui vont accompagner pour bâtir sur le long termes. Nous avons cette chance d’avoir des investisseurs qui au-delà de l’argent, nous donne leur temps pour nous aider comme Jaâfar Tabi ou Valentin Famose. Des gens qui ont construit des startups, structurés des entreprises, pris des risques. Cela vaut plus que tout l’argent du monde.
10) Si vous êtes entrepreneur de la diaspora, allez voir du côté des US, du Canada et autres pays anglo saxons. Ce sera plus facile. Les chiffres le montrent. En early stage, il y a une notion de trou dans la raquette des financements des entrepreneurs de la diaspora en France. C’est un fait et c’est connu. Les riches africains mettent également leurs sous dans des fonds français pour se faire payer en monnaie forte. Tous les gens dans le milieu le savent. “Heureusement” l’AFD — Agence Française de Développement (qui ne sait pas non plus faire du petit montant, tout comme son petit frère Proparco) font des efforts pour pallier à ces difficultés de financement early stage de la diaspora en lançant des programmes comme Meet Africa 2 ou d’autres. Ça vaut ce que ça vaut, mais ça a le mérite d’exister.
11) Les gros fonds se moquent des pays francophones. “Do you have Nigeria ? Do you have Ghana ? Do you have Kenya ?” telles sont les questions que la plupart des gros fonds nous ont posé. Nous avons dû revoir notre stratégie pour les pays anglophones d’Afrique et prioriser au moins un de ces pays. Gardez dans un coin de votre tête que 4 pays en Afrique ont capté 75% des levées de fonds: Nigeria, Kenya, Egypte et Afrique du Sud.
12) La prochaine fois, je prends un leveur parce que lever des fonds, c’est un métier…😩Pendant qu’on court derrière les fonds, la société doit continuer à tourner, le développement doit se faire. Et c’est là que je me suis rendu compte que je n’étais pas un surhomme.
13) Avant, pendant et après la levée, impliquer BPI, ses conseillers régionaux et la banque. Ce sont nos premiers alliés.
Conclusion….oui parce que j’aime les conclusions
Lever des fonds n’est pas une fin en soit, surtout que ce n’est pas notre argent. C’est une étape pour accélérer le développement d’une société. Et elle doit être bien pensée pour servir de levier.
Cette levée de fonds au-delà des points ci-dessus m’a fait comprendre à quel point la plupart des investisseurs et fonds en France méconnaissent l’Afrique et les opportunités. C’est triste.
Aussi, que les fonds qui investissent en Afrique se targuent d’avoir tripler leur EBITDA en coulisse, n’a pas d’intérêt. Il faut une méga pub sur TF1, faire saliver tout le monde.
Il nous faut (Africinvest, Proparco, autres fonds qui investissent en Afrique, les starups à succès) une stratégie de communication des investissements à succès en Afrique ici en France et dans le monde. L’investisseur du coin en France qui va voir venir le jeune entrepreneur qui veut aller en Afrique, doit savoir qu’il est tout aussi lucratif d’aller en Afrique qu’aux US, qu’il n’y a pas plus de risques que cela et que les premiers auront le gros lot. Tout le monde ne peut pas aller au Canada ou aux US, alors essayons de rassurer les investisseurs en France en leur montrant des success story.
Dites leur que l’Éthiopie ne meurt plus de faim, que la croissance de Orange se fait grâce à l’Afrique. Nos petites voix ne sont pas assez fortes.
Il y a peu Emmanuel Macron disait à l’Elysée “Notre croissance économique aussi, et nous Européens, nos échanges, nos emplois vont dépendre, de plus en plus, de l’Afrique. Ce n’est ni une bonne, ni une mauvaise nouvelle, c’est un fait. Et tout dépendra de ce que nous en faisons. “
Tâchons d’en faire quelque chose de bien.
Merci à toutes les personnes qui se sont impliquées dans cette levée, qui nous ont ouvert leur réseau jusqu’à dans des endroits improbables, à l’équipe de AWS for Games, Alantra, etc… ❤️. Vous faites partie de cette histoire que nous écrivons, MERCI.